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«Pour que tu le dises à tes enfants et petits-enfants» (Ex 10, 2)

La vie devient histoire

Je voudrais consacrer le message de cette année au thème de la narration, car je crois que, pour ne pas perdre nos repères, nous devons nous approprier la vérité contenue dans les bonnes histoires. Des histoires qui s’accumulent, ne se démolissent pas; des histoires qui nous aident à retrouver nos racines et la force nécessaire pour avancer ensemble. Au milieu de la cacophonie des voix et des messages qui nous entourent, nous avons besoin d’une histoire humaine qui puisse parler de nous et de la beauté qui nous entoure. Un récit qui peut regarder notre monde et ses événements avec un regard tendre. Un récit qui peut nous dire que nous faisons partie d’une tapisserie vivante et interconnectée. Un récit qui peut révéler l’entrelacement des fils qui nous relient les uns aux autres.

  1. Tisser des histoires

Les êtres humains sont des conteurs. Dès l’enfance, nous avons faim d’histoires tout comme nous avons faim de nourriture. Les histoires influencent nos vies, que ce soit sous forme de contes de fées, de romans, de films, de chansons, d’actualités, même si nous ne le réalisons pas toujours. Souvent, nous décidons de ce qui est bien ou mal en fonction des personnages et des histoires que nous avons créés. Les histoires nous marquent; ils façonnent nos convictions et notre comportement. Ils peuvent nous aider à comprendre et à communiquer qui nous sommes.

Nous ne sommes pas seulement les seuls êtres qui ont besoin de vêtements pour couvrir notre vulnérabilité (cf. Gn 3, 21); nous sommes également les seuls à avoir besoin d’être «revêtus» d’histoires pour protéger nos vies. Nous tissons non seulement des vêtements mais aussi des histoires: en effet, la capacité humaine à «tisser» (latin texere) nous donne non seulement le mot textile mais aussi le texte. Les histoires d’âges différents ont toutes un «métier à tisser» commun: le fil conducteur de leur récit implique des «héros», y compris des héros de tous les jours, qui en suivant un rêve affrontent des situations difficiles et combattent le mal, poussés par une force qui les rend courageux, la force d’amour. En nous plongeant dans des histoires, nous pouvons trouver des raisons de faire face héroïquement aux défis de la vie.

Les êtres humains sont des conteurs parce que nous sommes engagés dans un processus de croissance constante, de nous découvrir et de nous enrichir dans la tapisserie des jours de notre vie. Pourtant, depuis le tout début, notre histoire est menacée: le mal se fraye un chemin à travers l’histoire.

  1. Toutes les histoires ne sont pas de bonnes histoires

«Quand vous en mangerez… vous serez comme Dieu» (cf. Gn 3, 4): la tentation du serpent introduit dans le tissu de l’histoire un nœud difficile à défaire. «Si vous possédez, vous deviendrez, vous atteindrez…» Tel est le message chuchoté par ceux qui utilisent encore aujourd’hui la narration à des fins d’exploitation. Combien d’histoires servent à nous endormir, nous convaincre que pour être heureux, nous devons continuellement gagner, posséder et consommer. Nous ne pouvons même pas réaliser à quel point nous sommes devenus avides de bavardages et de commérages, ni combien de violence et de mensonges nous consommons. Souvent sur les plateformes de communication, au lieu d’histoires constructives qui servent à renforcer les liens sociaux et le tissu culturel, nous trouvons des histoires destructrices et provocatrices qui usent et cassent les fils fragiles qui nous unissent en tant que société. En rassemblant des informations non vérifiées, en répétant des arguments banals et trompeusement persuasifs, en envoyant des messages stridents et haineux, nous n’aidons pas à tisser l’histoire humaine, mais à la place, à dépouiller les autres de leur dignité.

Mais alors que les histoires utilisées pour l’exploitation et le pouvoir ont une courte durée de vie, une bonne histoire peut transcender les limites de l’espace et du temps. Des siècles plus tard, il reste d’actualité, car il nourrit la vie.

À une époque où la falsification est de plus en plus sophistiquée, atteignant des niveaux exponentiels (comme dans deepfake), nous avons besoin de sagesse pour pouvoir accueillir et créer de belles, vraies et bonnes histoires. Nous avons besoin de courage pour rejeter les histoires fausses et mauvaises. Nous avons besoin de patience et de discernement pour redécouvrir des histoires qui nous aident à ne pas perdre le fil au milieu des nombreux problèmes d’aujourd’hui. Nous avons besoin d’histoires qui révèlent qui nous sommes vraiment, également dans l’héroïsme indicible de la vie quotidienne.

  1. L’histoire des histoires

L’Écriture Sainte est une histoire d’histoires. Combien d’événements, de peuples et d’individus il nous présente! Il nous montre dès le début un Dieu à la fois créateur et narrateur. En effet, Dieu prononce sa parole et les choses naissent (cf. Gen 1). En tant que narrateur, Dieu appelle les choses à la vie, aboutissant à la création de l’homme et de la femme comme ses partenaires de dialogue libre, qui font l’histoire avec lui. Dans l’un des Psaumes, la créature dit au créateur: «Car tu as formé mes parties intérieures; tu m’as tricoté ensemble dans le ventre de ma mère. Je vous loue, car je suis fait avec effroi et merveilleusement… Mon cadre ne vous a pas été caché, quand j’étais fait en secret, tissé de manière complexe dans les profondeurs de la terre »(139: 13-15). Nous ne sommes pas nés complets, mais devons être constamment «tissés», «tricotés ensemble». La vie nous est donnée comme une invitation à continuer de tisser le «merveilleux» mystère que nous sommes.

La Bible est donc la grande histoire d’amour entre Dieu et l’humanité. En son centre se trouve Jésus, dont la propre histoire apporte à la fois l’amour de Dieu pour nous et notre amour pour Dieu. Désormais, à chaque génération, les hommes et les femmes sont appelés à raconter et à garder en mémoire les épisodes les plus significatifs de cette Histoire, ceux qui communiquent le mieux son sens.

Le titre du Message de cette année est tiré du Livre de l’Exode, une histoire biblique primordiale dans laquelle Dieu intervient dans l’histoire de son peuple. Lorsque les enfants esclaves d’Israël crient vers Lui, Dieu écoute et se souvient: «Dieu s’est souvenu de son alliance avec Abraham, avec Isaac et avec Jacob. Dieu a vu le peuple d’Israël – et Dieu le savait »(Ex 2, 24-25). La mémoire de Dieu libère de l’oppression à travers une série de signes et de prodiges. Le Seigneur révèle alors à Moïse la signification de tous ces signes: «afin que vous disiez à l’audition de vos enfants et petits-enfants… quels signes j’ai faits parmi eux, afin que vous sachiez que je suis le Seigneur» (Ex 10, 2). ). L’expérience de l’Exode nous enseigne que la connaissance du Seigneur se transmet de génération en génération principalement en racontant comment il continue de se rendre présent. Le Dieu de la vie communique avec nous à travers l’histoire de la vie.

Jésus a parlé de Dieu non pas avec des concepts abstraits, mais avec des paraboles, de brèves histoires tirées de la vie quotidienne. À ce stade, la vie devient histoire, puis, pour l’auditeur, l’histoire devient vie: l’histoire devient partie intégrante de la vie de ceux qui l’écoutent et elle les change.

Les Évangiles sont aussi des histoires, et non par hasard. Alors qu’ils nous parlent de Jésus, ils sont «performatifs» [1]; ils nous conforment à Jésus. L’Évangile demande au lecteur de partager la même foi afin de partager la même vie. L’Évangile de Jean nous dit que le conteur par excellence – la Parole – devient lui-même l’histoire: «Le Fils unique de Dieu, qui est aux côtés du Père, l’a fait connaître» (Jn 1, 18). Le verbe original, exegésato, peut être traduit à la fois par «révélé» et «raconté». Dieu est devenu personnellement tissé dans notre humanité, et nous a donc donné une nouvelle façon de tisser nos histoires.

  1. Une histoire toujours renouvelée

L’histoire du Christ n’est pas un héritage du passé; c’est notre histoire, et toujours d’actualité. Cela nous montre que Dieu était si profondément concerné par l’humanité, par notre chair et notre histoire, au point qu’il est devenu homme, chair et histoire. Il nous dit également qu’aucune histoire humaine n’est insignifiante ou dérisoire. Depuis que Dieu est devenu une histoire, chaque histoire humaine est, dans un certain sens, une histoire divine. Dans l’histoire de chaque personne, le Père revoit l’histoire de son Fils qui est descendu sur terre. Chaque histoire humaine a une dignité irrépressible. Par conséquent, l’humanité mérite des histoires qui en sont dignes, dignes de cette hauteur vertigineuse et fascinante à laquelle Jésus l’a élevée.

«Vous» – écrivait saint Paul – «êtes une lettre du Christ délivrée par nous, écrite non pas avec de l’encre mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non pas sur des tablettes de pierre mais sur des tablettes de cœur humain» (2 Co 3, 3) . Le Saint-Esprit, l’amour de Dieu, écrit en nous. Et comme il écrit en nous, il établit en nous la bonté et nous la rappelle constamment. En effet, «repenser» signifie penser, «écrire» sur le cœur. Par la puissance du Saint-Esprit, chaque histoire, même la plus oubliée, même celle qui semble être écrite avec les lignes les plus tordues, peut devenir inspirée, renaître en tant que chef-d’œuvre et devenir une annexe à l’Évangile. Comme les confessions d’Augustin. Comme le voyage d’un pèlerin d’Ignace. Comme l’histoire d’une âme de sainte Thérèse de l’enfant Jésus. Comme The Betrothed, comme The Brothers Karamazov. Comme d’innombrables autres histoires, qui ont admirablement écrit la rencontre entre la liberté de Dieu et celle de l’homme. Chacun de nous connaît des histoires différentes qui ont le parfum de l’Évangile, qui ont témoigné de l’Amour qui transforme la vie. Ces histoires demandent à être partagées, racontées et animées à tous les âges, dans toutes les langues, sur tous les supports.

  1. Une histoire qui nous renouvelle

Notre propre histoire fait partie de chaque grande histoire. En lisant les Écritures, les histoires des saints et aussi les textes qui ont éclairé le cœur humain et sa beauté, le Saint-Esprit est libre d’écrire dans nos cœurs, ravivant notre mémoire de ce que nous sommes aux yeux de Dieu. Lorsque nous nous souvenons de l’amour qui nous a créés et sauvés, lorsque nous faisons de l’amour une partie de nos histoires quotidiennes, lorsque nous tissons la tapisserie de nos jours avec miséricorde, nous tournons une autre page. Nous ne restons plus liés aux regrets et à la tristesse, liés à une mémoire malsaine qui pèse sur nos cœurs; au contraire, en nous ouvrant aux autres, nous nous ouvrons à la même vision du grand conteur. Raconter à Dieu notre histoire n’est jamais inutile: même si le récit des événements reste le même, le sens et la perspective changent toujours. Raconter notre histoire au Seigneur, c’est entrer dans son regard d’amour compatissant pour nous et pour les autres. Nous pouvons lui raconter les histoires que nous vivons, en lui apportant les personnes et les situations qui remplissent nos vies. Avec lui, nous pouvons retisser le tissu de la vie, repriser ses déchirures et ses larmes. Combien nous avons tous besoin de faire exactement cela!

Avec le regard du grand conteur – le seul qui a le point de vue ultime – nous pouvons alors approcher les autres personnages, nos frères et sœurs, qui sont avec nous comme acteurs de l’histoire d’aujourd’hui. Car personne n’est un extra sur la scène mondiale, et l’histoire de chacun est ouverte à de possibles changements. Même lorsque nous parlons du mal, nous pouvons apprendre à laisser la place à la rédemption; au milieu du mal, nous pouvons également reconnaître l’action de la bonté et lui donner de l’espace.

Il ne s’agit donc pas simplement de raconter des histoires en tant que telles, ou de se faire de la publicité, mais plutôt de se souvenir de qui et de ce que nous sommes aux yeux de Dieu, témoignant de ce que l’Esprit écrit dans nos cœurs et révélant à chacun que son histoire contient des choses merveilleuses. Pour ce faire, confions-nous à une femme qui a tissé dans son sein l’humanité de Dieu et, nous dit l’Évangile, a tissé ensemble les événements de sa vie. Car la Vierge Marie «chérissait toutes ces choses et les méditait dans son cœur» (Lc 2, 19). Demandons-lui de l’aide, qui a su dénouer les nœuds de la vie avec la douce force de l’amour:

O Marie, femme et mère, tu as tissé la Parole divine dans ton ventre, tu as raconté par ta vie les magnifiques oeuvres de Dieu. Écoutez nos histoires, retenez-les dans votre cœur et créez les vôtres que personne ne veut entendre. Apprenez-nous à reconnaître le bon fil qui traverse l’histoire. Regardez les nœuds emmêlés de notre vie qui paralysent notre mémoire. Par vos mains douces, chaque nœud peut être dénoué. Femme d’Esprit, mère de confiance, nous inspire aussi. Aidez-nous à construire des histoires de paix, des histoires qui pointent vers l’avenir. Et montre-nous comment les vivre ensemble.

 

Rome, à Saint Jean de Latran, le 24 janvier 2020, le Mémorial de Saint François de Sales

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“That you may tell your children and grandchildren” (Ex 10:2)

Life becomes history

I would like to devote this year’s message to the theme of storytelling, because I believe that, so as not to lose our bearings, we need to make our own the truth contained in good stories. Stories that build up, not tear down; stories that help us rediscover our roots and the strength needed to move forward together. Amid the cacophony of voices and messages that surround us, we need a human story that can speak of ourselves and of the beauty all around us. A narrative that can regard our world and its happenings with a tender gaze. A narrative that can tell us that we are part of a living and interconnected tapestry. A narrative that can reveal the interweaving of the threads which connect us to one another.

  1. Weaving stories

Human beings are storytellers. From childhood we hunger for stories just as we hunger for food. Stories influence our lives, whether in the form of fairy tales, novels, films, songs, news, even if we do not always realize it. Often we decide what is right or wrong based on characters and stories we have made our own. Stories leave their mark on us; they shape our convictions and our behavior. They can help us understand and communicate who we are.

We are not just the only beings who need clothing to cover our vulnerability (cf. Gen 3: 21); we are also the only ones who need to be “clothed” with stories to protect our lives. We weave not only clothing but also stories: indeed, the human capacity to “weave” (Latin texere) gives us not only the word textile but also text. The stories of different ages all have a common “loom”: the thread of their narrative involves “heroes”, including everyday heroes, who in following a dream confront difficult situations and combat evil, driven by a force that makes them courageous, the force of love. By immersing ourselves in stories, we can find reasons to heroically face the challenges of life.

Human beings are storytellers because we are engaged in a process of constant growth, discovering ourselves, and becoming enriched in the tapestry of the days of our life. Yet since the very beginning, our story has been threatened: evil snakes its way through history.

  1. Not all stories are good stories

“When you eat of it … you will be like God” (cf. Gen 3:4): the temptation of the serpent introduces into the fabric of history a knot difficult to undo. “If you possess, you will become, you will achieve…” This is the message whispered by those who even today use storytelling for purposes of exploitation. How many stories serve to lull us, convincing us that to be happy we continually need to gain, possess, and consume. We may not even realize how greedy we have become for chatter and gossip, or how much violence and falsehood we are consuming. Often on communication platforms, instead of constructive stories which serve to strengthen social ties and the cultural fabric, we find destructive and provocative stories that wear down and break the fragile threads binding us together as a society. By patching together bits of unverified information, repeating banal and deceptively persuasive arguments, sending strident and hateful messages, we do not help to weave human history, but instead, strip others of their dignity.

But whereas the stories employed for exploitation and power have a short lifespan, a good story can transcend the confines of space and time. Centuries later, it remains timely, for it nourishes life.

In an age when falsification is increasingly sophisticated, reaching exponential levels (as in deepfake), we need wisdom to be able to welcome and create beautiful, true, and good stories. We need courage to reject false and evil stories. We need patience and discernment to rediscover stories that help us not to lose the thread amid today’s many troubles. We need stories that reveal who we truly are, also in the untold heroism of everyday life.

  1. The Story of stories

Sacred Scripture is a Story of stories. How many events, peoples, and individuals it sets before us! It shows us from the very beginning a God who is both creator and narrator. Indeed, God speaks his word and things come into existence (cf. Gen 1). As narrator, God calls things into life, culminating in the creation of man and woman as his free dialogue partners, who make history alongside him. In one of the Psalms, the creature tells the creator: “For you formed my inward parts; you knitted me together in my mother’s womb. I praise you, for I am fearfully and wonderfully made … My frame was not hidden from you, when I was being made in secret, intricately woven in the depths of the earth” (139:13-15). We are not born complete, but need to be constantly “woven”, “knitted together”. Life is given to us as an invitation to continue to weave the “wonderful” mystery that we are.

The Bible is thus the great love story between God and humanity. At its centre stands Jesus, whose own story brings to fulfilment both God’s love for us and our love for God. Henceforth, in every generation, men and women are called to recount and commit to memory the most significant episodes of this Story of stories, those that best communicate its meaning.

The title of this year’s Message is drawn from the Book of Exodus, a primordial biblical story in which God intervenes in the history of his people. When the enslaved children of Israel cry out to Him, God listens and remembers: “God remembered His covenant with Abraham, with Isaac and with Jacob. God saw the people of Israel – and God knew” (Ex 2: 24-25). God’s memory brings liberation from oppression through a series of signs and wonders. The Lord then reveals to Moses the meaning of all these signs: “that you may tell in the hearing of your children and grandchildren… what signs I have done among them, that you may know that I am the Lord” (Ex 10:2). The Exodus experience teaches us that knowledge of the Lord is handed down from generation to generation mainly by telling the story of how he continues to make himself present. The God of life communicates with us through the story of life.

Jesus spoke of God not with abstract concepts, but with parables, brief stories taken from everyday life. At this point life becomes story and then, for the listener, story becomes life: the story becomes part of the life of those who listen to it, and it changes them.

The Gospels are also stories, and not by chance. While they tell us about Jesus, they are “performative”[1]; they conform us to Jesus. The Gospel asks the reader to share in the same faith in order to share in the same life. The Gospel of John tells us that the quintessential storyteller – the Word – himself becomes the story: “God’s only Son, who is at the Father’s side, has made him known” (Jn 1: 18). The original verb, exegésato, can be translated both as “revealed” and “recounted”. God has become personally woven into our humanity, and so has given us a new way of weaving our stories.

  1. An ever renewed story

The history of Christ is not a legacy from the past; it is our story, and always timely. It shows us that God was so deeply concerned for mankind, for our flesh and our history, to the point that he became man, flesh and history. It also tells us that no human stories are insignificant or paltry. Since God became story, every human story is, in a certain sense, a divine story. In the history of every person, the Father sees again the story of his Son who came down to earth. Every human story has an irrepressible dignity. Consequently, humanity deserves stories that are worthy of it, worthy of that dizzying and fascinating height to which Jesus elevated it.

“You” – Saint Paul wrote – “are a letter from Christ delivered by us, written not with ink but with the Spirit of the living God, not on tablets of stone but on tablets of human hearts” (2 Cor 3:3). The Holy Spirit, the love of God, writes within us. And as he writes within us, he establishes goodness in us and constantly reminds us of it. Indeed, to “re-mind” means to bring to mind, to “write” on the heart. By the power of the Holy Spirit, every story, even the most forgotten one, even the one that seems to be written with the most crooked lines, can become inspired, can be reborn as a masterpiece, and become an appendix to the Gospel. Like the Confessions of Augustine. Like A Pilgrim’s Journey of Ignatius. Like The Story of a Soul of Saint Therese of the Child Jesus. Like The Betrothed, like The Brothers Karamazov. Like countless other stories, which have admirably scripted the encounter between God’s freedom and that of man. Each of us knows different stories that have the fragrance of the Gospel, that have borne witness to the Love that transforms life. These stories cry out to be shared, recounted and brought to life in every age, in every language, in every medium.

  1. A story that renews us

Our own story becomes part of every great story. As we read the Scriptures, the stories of the saints, and also those texts that have shed light on the human heart and its beauty, the Holy Spirit is free to write in our hearts, reviving our memory of what we are in God’s eyes. When we remember the love that created and saved us, when we make love a part of our daily stories, when we weave the tapestry of our days with mercy, we are turning another page. We no longer remain tied to regrets and sadness, bound to an unhealthy memory that burdens our hearts; rather, by opening ourselves to others, we open ourselves to the same vision of the great storyteller. Telling God our story is never useless: even if the record of events remains the same, the meaning and perspective are always changing. To tell our story to the Lord is to enter into his gaze of compassionate love for us and for others. We can recount to him the stories we live, bringing to him the people and the situations that fill our lives. With him we can re-weave the fabric of life, darning its rips and tears. How much we, all of us, need to do exactly this!

With the gaze of the great storyteller – the only one who has the ultimate point of view – we can then approach the other characters, our brothers and sisters, who are with us as actors in today’s story. For no one is an extra on the world stage, and everyone’s story is open to possible change. Even when we tell of evil, we can learn to leave room for redemption; in the midst of evil, we can also recognize the working of goodness and give it space.

So it is not a matter of simply telling stories as such, or of advertising ourselves, but rather of remembering who and what we are in God’s eyes, bearing witness to what the Spirit writes in our hearts and revealing to everyone that his or her story contains marvellous things. In order to do this, let us entrust ourselves to a woman who knit together in her womb the humanity of God and, the Gospel tells us, wove together the events of her life. For the Virgin Mary “treasured all these things and pondered them in her heart” (Lk 2: 19). Let us ask for help from her, who knew how to untie the knots of life with the gentle strength of love:

O Mary, woman and mother, you wove the divine Word in your womb, you recounted by your life the magnificent works of God. Listen to our stories, hold them in your heart and make your own the stories that no one wants to hear. Teach us to recognize the good thread that runs through history. Look at the tangled knots in our life that paralyze our memory. By your gentle hands, every knot can be untied. Woman of the Spirit, mother of trust, inspire us too. Help us build stories of peace, stories that point to the future. And show us the way to live them together.

 

Rome, at Saint John Lateran, 24 January 2020, the Memorial of Saint Francis de Sales

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“Que você possa contar a seus filhos e netos” (Êx 10: 2)

A vida se torna história

Gostaria de dedicar a mensagem deste ano ao tema da narração de histórias, porque acredito que, para não perder o rumo, precisamos tornar nossa a verdade contida nas boas histórias. Histórias que se acumulam, não se desfazem; histórias que nos ajudam a redescobrir nossas raízes e a força necessária para avançarmos juntos. Em meio à cacofonia de vozes e mensagens que nos cercam, precisamos de uma história humana que possa falar de nós mesmos e da beleza ao nosso redor. Uma narrativa que pode considerar nosso mundo e seus acontecimentos com um olhar terno. Uma narrativa que pode nos dizer que fazemos parte de uma tapeçaria viva e interconectada. Uma narrativa que pode revelar o entrelaçamento dos fios que nos conectam.

  1. Tecendo histórias

Os seres humanos são contadores de histórias. Desde a infância, ansiamos por histórias, assim como ansiamos por comida. As histórias influenciam nossas vidas, seja na forma de contos de fadas, romances, filmes, músicas, notícias, mesmo que nem sempre percebamos isso. Muitas vezes, decidimos o que é certo ou errado, com base em personagens e histórias que criamos. Histórias deixam sua marca em nós; eles moldam nossas convicções e nosso comportamento. Eles podem nos ajudar a entender e comunicar quem somos.

Não somos apenas os únicos seres que precisam de roupas para cobrir nossa vulnerabilidade (cf. Gn 3, 21); nós também somos os únicos que precisam estar “vestidos” com histórias para proteger nossas vidas. Nós tecemos não apenas roupas, mas também histórias: de fato, a capacidade humana de “tecer” (latim texere) nos dá não apenas a palavra têxtil, mas também texto. As histórias de diferentes idades têm um “tear” comum: o fio de sua narrativa envolve “heróis”, incluindo heróis do cotidiano, que ao seguir um sonho enfrentam situações difíceis e combatem o mal, impulsionados por uma força que os torna corajosos, a força do amor. Mergulhando nas histórias, podemos encontrar razões para enfrentar heroicamente os desafios da vida.

Os seres humanos são contadores de histórias, porque estamos envolvidos em um processo de crescimento constante, descobrindo a nós mesmos e enriquecendo-nos na tapeçaria dos dias de nossa vida. No entanto, desde o início, nossa história foi ameaçada: o mal serpenteia pela história.

  1. Nem todas as histórias são boas histórias

“Quando você come … você será como Deus” (cf. Gn 3: 4): a tentação da serpente introduz no tecido da história um nó difícil de desfazer. “Se você possui, você se tornará, você alcançará …” Esta é a mensagem sussurrada por aqueles que até hoje usam histórias para fins de exploração. Quantas histórias servem para nos embalar, convencendo-nos de que, para ser feliz, precisamos continuamente ganhar, possuir e consumir. Podemos nem perceber como somos gananciosos por conversas e fofocas, ou quanta violência e falsidade estamos consumindo. Muitas vezes, nas plataformas de comunicação, em vez de histórias construtivas que servem para fortalecer os laços sociais e o tecido cultural, encontramos histórias destrutivas e provocativas que desgastam e quebram os frágeis fios que nos unem como sociedade. Ao juntar partes de informações não verificadas, repetir argumentos banais e enganosamente persuasivos, enviar mensagens estridentes e odiosas, não ajudamos a tecer a história humana, mas, em vez disso, despojamos os outros de sua dignidade.

Mas enquanto as histórias empregadas para exploração e poder têm uma vida útil curta, uma boa história pode transcender os limites do espaço e do tempo. Séculos depois, permanece oportuno, pois nutre a vida.

Numa época em que a falsificação é cada vez mais sofisticada, atingindo níveis exponenciais (como no deepfake), precisamos de sabedoria para poder acolher e criar histórias bonitas, verdadeiras e boas. Precisamos de coragem para rejeitar histórias falsas e más. Precisamos de paciência e discernimento para redescobrir histórias que nos ajudam a não perder o fio em meio aos muitos problemas de hoje. Precisamos de histórias que revelem quem realmente somos, também no heroísmo incalculável da vida cotidiana.

  1. A história das histórias

A Escritura Sagrada é uma história de histórias. Quantos eventos, povos e indivíduos isso coloca diante de nós! Ele nos mostra desde o início um Deus que é criador e narrador. De fato, Deus fala sua palavra e as coisas passam a existir (cf. Gn 1). Como narrador, Deus dá vida às coisas, culminando na criação do homem e da mulher como seus parceiros de diálogo livre, que fazem história ao seu lado. Em um dos Salmos, a criatura diz ao criador: “Pois você formou minhas partes interiores; você me tricotou no ventre de minha mãe. Eu te louvo, porque sou medrosa e maravilhosamente feita … Minha estrutura não estava escondida de você, quando eu estava sendo feita em segredo, intricadamente tecida nas profundezas da terra ”(139: 13-15). Nós não nascemos completos, mas precisamos ser constantemente “tecidos”, “tricotados”. A vida é dada a nós como um convite para continuar a tecer o mistério “maravilhoso” que somos.

A Bíblia é, portanto, a grande história de amor entre Deus e a humanidade. No centro está Jesus, cuja própria história realiza o amor de Deus por nós e nosso amor por Deus. A partir de agora, em todas as gerações, homens e mulheres são chamados a recontar e comprometer a memória os episódios mais significativos desta história de histórias, aqueles que melhor comunicam seu significado.

O título da Mensagem deste ano é extraído do Livro do Êxodo, uma história bíblica primordial na qual Deus intervém na história de seu povo. Quando os filhos escravizados de Israel clamam por Ele, Deus ouve e lembra: “Deus lembrou-se de Sua aliança com Abraão, Isaque e Jacó. Deus viu o povo de Israel – e Deus sabia ”(Êx 2: 24-25). A memória de Deus traz libertação da opressão através de uma série de sinais e maravilhas. O Senhor então revela a Moisés o significado de todos esses sinais: “para que você ouça na audição de seus filhos e netos … que sinais eu fiz entre eles, para que você saiba que eu sou o Senhor” (Êx 10: 2 ) A experiência do Êxodo nos ensina que o conhecimento do Senhor é transmitido de geração em geração, principalmente contando a história de como ele continua a se fazer presente. O Deus da vida se comunica conosco através da história da vida.

Jesus falou de Deus não com conceitos abstratos, mas com parábolas, breves histórias tiradas da vida cotidiana. Nesse ponto, a vida se torna história e, então, para o ouvinte, a história se torna vida: a história se torna parte da vida daqueles que a ouvem e as muda.

Os Evangelhos também são histórias, e não por acaso. Enquanto eles nos falam sobre Jesus, eles são “performativos” [1]; eles nos conformam a Jesus. O Evangelho pede ao leitor que compartilhe na mesma fé, a fim de compartilhar na mesma vida. O Evangelho de João nos diz que o narrador por excelência – a Palavra – se torna a história: “O único Filho de Deus, que está ao lado do Pai, o tornou conhecido” (Jo 1, 18). O verbo original, exegésato, pode ser traduzido como “revelado” e “recontado”. Deus se tornou pessoalmente tecido em nossa humanidade, e assim nos deu uma nova maneira de tecer nossas histórias.

  1. Uma história sempre renovada

A história de Cristo não é um legado do passado; é a nossa história, e sempre oportuna. Isso nos mostra que Deus estava tão profundamente preocupado com a humanidade, com nossa carne e nossa história, a ponto de se tornar homem, carne e história. Também nos diz que nenhuma história humana é insignificante ou insignificante. Desde que Deus se tornou história, toda história humana é, em certo sentido, uma história divina. Na história de toda pessoa, o Pai vê novamente a história de seu Filho que desceu à terra. Toda história humana tem uma dignidade irreprimível. Consequentemente, a humanidade merece histórias dignas dela, dignas daquela altura vertiginosa e fascinante a que Jesus a elevou.

“Você” – escreveu São Paulo – “é uma carta de Cristo entregue por nós, escrita não com tinta, mas com o Espírito do Deus vivo, não em tábuas de pedra, mas em tábuas de corações humanos” (2 Cor 3: 3) . O Espírito Santo, o amor de Deus, escreve dentro de nós. E enquanto ele escreve dentro de nós, ele estabelece a bondade em nós e constantemente nos lembra disso. De fato, “relembrar” significa lembrar, “escrever” no coração. Pelo poder do Espírito Santo, toda história, mesmo a mais esquecida, mesmo a que parece ser escrita com as linhas mais tortas, pode se inspirar, pode renascer como uma obra-prima e se tornar um apêndice do Evangelho. Como as confissões de Agostinho. Como a Jornada de Inácio de um peregrino. Como a história de uma alma de Santa Teresa do menino Jesus. Como os noivos, como os irmãos Karamazov. Como inúmeras outras histórias, que roteirizaram admiravelmente o encontro entre a liberdade de Deus e a do homem. Cada um de nós conhece diferentes histórias que têm a fragrância do Evangelho, que testemunharam o Amor que transforma a vida. Essas histórias clamam por serem compartilhadas, recontadas e trazidas à vida em todas as épocas, em todas as línguas, em todos os meios.

  1. Uma história que nos renova

Nossa própria história se torna parte de toda grande história. Ao ler as Escrituras, as histórias dos santos e também os textos que lançam luz sobre o coração humano e sua beleza, o Espírito Santo é livre para escrever em nossos corações, revivendo nossa memória do que somos aos olhos de Deus. Quando nos lembramos do amor que nos criou e nos salvou, quando fazemos do amor parte de nossas histórias diárias, quando tecemos a tapeçaria de nossos dias com misericórdia, estamos virando outra página. Não permanecemos mais presos a arrependimentos e tristezas, vinculados a uma memória doentia que pesa sobre nossos corações; ao contrário, ao nos abrirmos para os outros, nos abrimos para a mesma visão do grande contador de histórias. Contar a Deus que nossa história nunca é inútil: mesmo que o registro dos eventos permaneça o mesmo, o significado e a perspectiva estão sempre mudando. Contar nossa história ao Senhor é entrar em seu olhar de amor compassivo por nós e pelos outros. Podemos contar a ele as histórias que vivemos, trazendo para ele as pessoas e as situações que enchem nossas vidas. Com ele, podemos re-tecer o tecido da vida, escurecendo seus rasgos e lágrimas. Quanto nós, todos nós, precisamos fazer exatamente isso!

Com o olhar do grande contador de histórias – o único que tem o ponto de vista final – podemos então abordar os outros personagens, nossos irmãos e irmãs, que estão conosco como atores na história de hoje. Pois ninguém é um extra no cenário mundial, e a história de todos está aberta a possíveis mudanças. Mesmo quando falamos do mal, podemos aprender a deixar espaço para a redenção; no meio do mal, também podemos reconhecer a operação da bondade e dar-lhe espaço.

Portanto, não se trata simplesmente de contar histórias como tais, ou de anunciar a nós mesmos, mas de lembrar quem e o que somos aos olhos de Deus, testemunhar o que o Espírito escreve em nossos corações e revelar a todos que sua história é dele. contém coisas maravilhosas. Para fazer isso, confiamos-nos a uma mulher que une em seu ventre a humanidade de Deus e, segundo o Evangelho, tece os eventos de sua vida. Pois a Virgem Maria “valorizou todas essas coisas e as ponderou em seu coração” (Lc 2, 19). Peçamos ajuda dela, que sabia como desatar os nós da vida com a suave força do amor:

Ó Maria, mulher e mãe, você teceu a Palavra divina no seu ventre, e contou por sua vida as magníficas obras de Deus. Ouça nossas histórias, mantenha-as em seu coração e crie as suas próprias histórias que ninguém quer ouvir. Ensine-nos a reconhecer o bom fio que percorre a história. Veja os nós emaranhados em nossa vida que paralisam nossa memória. Pelas suas mãos gentis, todos os nós podem ser desamarrados. Mulher do Espírito, mãe de confiança, também nos inspira. Ajude-nos a construir histórias de paz, histórias que apontam para o futuro. E nos mostre o caminho para vivê-los juntos.

 

Roma, em São João de Latrão, 24 de janeiro de 2020, o Memorial de São Francisco de Sales