Nonce Apostolique en Côte d’ivoire
(Abidjan-CERAO, mercredi 12 février 2020)
Eminences,
Excellences,
Honorables et distingués invités,
Chers participants.
Je suis très heureux et honoré de répondre à l’invitation d’être ici avec vous dans ce Centre CERAO de Pastorale et de Mission pour prendre part à cette Cérémonie d’Ouverture de la Huitième (VIIIème) Session Ordinaire du Conseil Permanent de la Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest. Je salue respectueusement Son Excellence Monseigneur Ignatius KAIGAMA, Archevêque d’Abuja et Président de la CERAO-RECOWA, et je voudrais transmettre à tous, Eminences, Excellences et chers participants, les salutations et les bénédictions du Saint-Père, le Pape François, qui vient d’ailleurs de publier hier, 12 février 2020, l’Exhortation Apostolique postsynodale Querida Amazonia. Le Pape François y affirme la grave urgence de protéger les droits des communautés et l’environnement contre ces prédations modernes dans le même sens de votre thème de réflexion : « Ensemble, œuvrons pour les droits des communautés et l’environnement ». De fait la date du 12 février est symbolique car elle marque le 15ème anniversaire de l’assassinat de Sœur Dorothy Stang, une religieuse belge, naturalisée brésilienne, qui défendait les droits des paysans pauvres et illettrés face à de riches propriétaires sans scrupules, s’opposant à l’exploitation de la forêt amazonienne par l’industrie du bétail. Ceci montre que la nécessité et le courage de dénoncer comporte aussi des risques. Eminences, Excellences,
En choisissant d’y porter vos réflexions, ces jours-ci, il s’agira pour vous de penser et proposer une action commune en tant qu’Eglise pour réagir et travailler l’éveil des consciences face au danger de l’accaparement des terres, à la protection des droits des communautés locales sur leurs propres terres et à donner un point de vue clair dans le cadre des discussions en cours aux Nations Unies pour un document sur les multinationales et les droits humains.
Déjà en 2017, ici même à Abidjan, Vous évoquiez la question de l’accaparement des terres comme un phénomène grave qui interpelle toute conscience (§3) et qui est dissimulé sous le couvert de croissance économique, de développement ou encore de sécurité alimentaire pour l’Afrique. C’est en somme ce que vous appeliez « une voie ouverte […] pour perpétuer les modèles économiques orientés vers l’accaparement des terres, des eaux et des ressources naturelles africaines »(§4). Ce « land grapping », comme l’appelle le Pape François, tend à déshumaniser des populations locales qui se retrouvent, d’une part, désapproprier de leurs terres, de leur culture et de leur histoire, et sont ainsi déracinées. D’autre part, les flux migratoires conduisent ces populations vers les grands centres urbains où il faut réapprendre à vivre, dans des conditions de pauvreté avec de réelles difficultés d’intégration. Toutes choses, et vous le notiez d’ailleurs, qui font que s’« aggrave le fossé entre les pauvres et les riches en Afrique » (§5). A juste titre, le Pape François signale que cet accaparement des terres en Amazonie, par exemple : « a favorisé les récents mouvements migratoires des indigènes vers les périphéries des villes. Ils n’y trouvent pas une véritable libération de leurs drames, mais les pires formes d’esclavages, d’asservissements et de misères. Dans ces villes, caractérisées par une grande inégalité, où la majeure partie de la population de l’Amazonie habite aujourd’hui, la xénophobie, l’exploitation sexuelle et le trafic de personnes se développent également. C’est pour cela que le cri de l’Amazonie ne jaillit pas seulement du cœur des forêts, mais aussi de l’intérieur de ses villes » CQA, n. io).
Cette même situation est malheureusement vécue en diverses autres parties du monde où Ton fait l’expérience de véritables drames humains. Il faudra donc œuvrer à éveiller les consciences et à susciter des actions concertées de tous pour freiner cette propension à nier à des populations entières leurs droits fondamentaux à disposer de leurs propres terres, mais surtout agir pour « le droit des peuples autochtones au territoire avec ses frontières, à l’autodétermination et au consentement préalable » (QA, n. 14). Ceci est le gage du développement humain intégral et durable que défend et promeut le Saint-Père, le Pape
François, qui nous appelle inéluctablement à une conversion écologique « face aux conséquences de notre hostilité envers les autres, du manque de respect de la maison commune et de l’exploitation abusive des ressources naturelles, considérées comme des instruments utiles uniquement pour le profit d’aujourd’hui, sans respect pour les communautés locales, pour le bien Commun ni pour la nature » (François, Message pour la Journée 53ème Journée Mondiale de la Paix, n. 4b).
A l’homme, le Seigneur a confié la nature. Sauvegarder l’environnement, c’est préserver l’avenir de l’être humain car l’environnement est un don fait par Dieu à l’homme, pour son bien-être, en ce sens que « les ressources naturelles, les nombreuses formes de vie et la terre elle-même nous sont confiées pour être “cultivées et gardées” (cf. Gn 2, 15) aussi pour les générations à venir, avec la participation responsable et active de chacun » (id., n. 4d). Déjà dans la Laudato Si’, le Pape soulignait que «la destruction de l’environnement humain est très grave, parce que non seulement Dieu a confié le monde à l’être humain, mais encore la vie de celui-ci est un don qui doit être protégé de diverses formes de dégradation […] Le développement humain authentique a un caractère moral et suppose le plein respect de la personne humaine, mais il doit aussi prêter attention au monde naturel et “tenir compte de la nature de chaque être et de ses liens mutuels dans un système ordonné”. Par conséquent, la capacité propre à l’être humain de transformer la réalité doit se développer sur la base du don des choses fait par Dieu à l’origine » (LSS).
Certes, il est vrai que le développement passe par la construction d’infrastructures qui pérennisent son mécanisme, mais il est tout aussi vrai que « quand d’éventuels risques pour l’environnement, qui affectent le bien commun, présent et futur, apparaissent, cette situation exige que “les décisions soient fondées sur une confrontation entre les risques et les bénéfices envisageables pour tout choix alternatif possible” » (LS, n. 184). biens et de services environnementaux, économiques et sociaux. En dépit de ces rôles importants, les mangroves connaissent actuellement un taux de déforestation de 1,7% par an. La situation des mangroves est un cas parmi d’autres que nous connaissons de déforestations qui provoquent de vastes déplacements de populations, surtout des plus jeunes qui, à travers le phénomène d’exode rural, vont chercher dans les villes un mieux-être se confrontant à la précarité et à l’incertitude. Eminences, Excellences, chers participants, Nous le constatons, l’urgence est là, le défi est grand. De fait, le Pape souligne que « le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer » (LS, n. 13). C’est aussi le défi «”d’assurer une mondialisation dans la solidarité, une mondialisation sans marginalisation”. On peut trouver des alternatives d’élevage et d’agriculture durables, des énergies qui ne polluent pas, des sources de travail digne qui ne provoquent pas la destruction de l’environnement et des cultures » (QA, n. 17).
Il nous faut conjuguer nos efforts pour résorber la crise de l’accaparement des terres et de leurs exploitations abusives à des fins destructrices des populations et de notre environnement, disons de notre maison commune.
Pour y parvenir, le Pape François nous propose un beau chemin de conversion écologique qui passe par l’éducation à de nouvelles valeurs quand il dit : « une écologie intégrale […] inclut un aspect éducatif qui provoque le développement de nouvelles habitudes chez les personnes et les groupes humains [,..]I1 n’y aura pas d’écologie saine et durable, capable de transformer les choses, si les personnes ne changent pas, si on ne les encourage pas à choisir un autre style de vie, moins avide, plus serein, plus respectueux, moins anxieux, plus fraternel » (QA, n. 58).
Tout en souhaitant d’excellents travaux et de précieuses résolutions à cette VIIIème Réunion du Conseil Permanent de la CERAO/RECOWA, j’invoque Marie, Mère de la vie et Reine de toute la création, de vous assister.
Je vous remercie
*Paolo BORGIA
Archevêque titulaire de Milazzo
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