MESSAGE DU NONCE APOSTOLIQUE
Excellences,
Révérends Pères
Chers frères,
Je voudrais dire ma joie d’être avec vous aujourd’hui pour l’ouverture de cet Atelier de réflexions organisé par la Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest et qui porte sur le thème : « Laudato Sí : Droits Fonciers et Environnementaux de la Communauté ».
Je voudrais tout d’abord, saluer leurs Excellences Monseigneur Hilary OKEKE, Evêque de Nnewi et Président de la Commission Justice, Paix et Développement, ainsi que Monseigneur Joachim OUEDRAOGO, Evêque de Koudougou et Président de la Commission Migration, Apostolat de la Mer et Tourisme.
J’adresse également mes salutations à tous les participants et aux conférenciers, en particulier à Monseigneur Robert Vitillo, Secrétaire Général de la Commission Internationale Catholique pour la Migration. A tous et à chacun j’ai le plaisir de transmettre les salutations et les bénédictions du Saint-Père le Pape François qui, d’ailleurs, vient de convoquer la célébration de la Semaine Laudato Sí du 16 au 24 mai 2020, à l’occasion du cinquième anniversaire de la publication de ladite lettre Encyclique ; anniversaire qui motive également le présent Atelier.
Excellences, Révérends Pères, Messieurs,
« Quel monde voulons-nous laisser à ceux qui viennent après nous, aux enfants qui grandissent aujourd’hui ? ». C’est la question fondamentale du Message vidéo du Pape François pour appeler à ladite Semaine Laudato Sí. Et cette interpellation devrait soutenir notre cadre de réflexions sur la problématique de l’accaparement des terres et ses nombreuses conséquences sur le vécu et le bien-être des populations. En d’autres termes, il s’agit pour nous de voir comment penser un développement humain durable, avec la complexité sous-jacente de normes et de projets, en veillant à une dynamique d’écologie intégrale qui, non seulement, allie droits fonciers étatiques et droit fondamental des peuples à disposer de leurs terres, mais aussi, qui protège l’environnement.
Il est un fait indéniable : la terre a une importance majeure dans le contexte socio-culturel africain, car elle renferme l’identité, l’ascendance et le cœur, aussi bien d’une personne que d’une communauté. Etre propriétaire d’une terre, ce n’est pas revendiquer un quelconque titre foncier, mais exprimer une identité.
Lorsqu’on est ainsi fondamentalement attaché à une chose, on prend alors toutes les mesures pour la protéger. Justement, une récente étude d’approche de Laudato Sí en lien aux questions foncières en Afrique révèle que « la plupart des communautés, lignées ou familles ont pu mettre en place des mécanismes qui, non seulement, permettent à chacun d’accéder à la terre mais aussi de la gérer de façon durable dans le respect de l’environnement naturel » (Réflexions communes sur les questions foncières en Afrique, Introduction).
On le voit, il y a un lien profond de dépendance entre les communautés et la terre qui est leur source nourricière et vitale. On le sait, l’Afrique possède soixante-cinq pour cent (65 %) des terres arables de la planète.
Souvent ces nombreux hectares de terres arables attisent bien des appétits tant de grandes firmes que d’élites locales. Alors, vient la question de comment se font les acquisitions foncières dans nos pays.
Fort désolément, le Pape François révèle que « les économies d’échelle, spécialement dans le secteur agricole, finissent par forcer les petits agriculteurs à vendre leurs terres ou à abandonner leurs cultures traditionnelles ». On assiste ainsi, en général, à des déplacements massifs de populations déracinés en quête d’un mieux-être.
L’étude précitée note, en effet, que trente-sept pour cent (37 %) des acquisitions foncières à grande échelle dans le monde se réalisent en Afrique et par conséquent cela provoque un exode massif des populations. Et de préciser que « la plupart de ces terres (acquises) sont des savanes tropicales humides, ce qui constitue une menace sérieuse pour la biodiversité et les ressources en eau et en sol du contient », et donc une menace sérieuse sur le cadre environnemental (Réflexions communes sur les questions foncières, p. 4). Nous le savons bien, « quand on parle d’ »environnement », on désigne en particulier une relation, celle qui existe entre la nature et la société qui l’habite. Cela nous empêche de concevoir la nature comme séparée de nous ou comme un simple cadre de notre vie. Nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle » (LS, n. 139).
Cette inquiétude est encore reprise d’une certaine manière par le même Pape François dans l’Exhortation Apostolique Querida Amazonia qu’il vient de publier, quand il cite cette description : « Nous sommes affectés par les commerçants de vois, les éleveurs et autres. Nous sommes menacés par les acteurs économiques qui mettent en œuvre un modèle étranger à nos régions. Les entreprises forestières entre sur le territoire pour exploiter la forêt ; nous autres prenons soin de la forêt pour nos enfants, nous avons de la viande, du poisson, des médicaments à base de plantes, des arbres fruitiers (…). La construction d’installations hydroélectriques et les projets de voies navigables on u n impact sur le fleuve et sur les territoires (…). Nous sommes une région aux territoires volés » (QA, n. 11).
Ce témoignage poignant, comme tant d’autres que nous écoutons bien souvent là où nous sommes, nous font voir que le phénomène du « land grapping » aussi varié qu’il soit dans ces formes et stratégies, entraîne de graves conséquences dramatiques économiques, culturelles et environnementales sur les pauvres populations.
L’affirmation forte de l’écologie intégrale dans Laudato Sí nécessite que l’on s’asseye « pour penser et pour discuter avec honnêteté des conditions de vie et de survie d’une société, pour remettre en question les modèles de développement, de production et de consommation. Il n’est pas superflu d’insister sur le fait que tout est lié ». (LS, n. 138).
Pour y arriver, le Pape, dans Laudato Sí, nous dit qu’il est indispensable d’accorder une attention spéciale aux communautés et à leurs traditions culturelles. « Elles ne constituent pas une simple minorité parmi d’autres, mais elles doivent devenir les principaux interlocuteurs, surtout lorsqu’on développe les grands projets qui affectent leurs espaces. En effet, la terre n’est pas pour ces communautés un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs. Quand elles restent sur leurs territoires, ce sont précisément elles qui les préservent le mieux. Cependant, en diverses parties du monde, elles font l’objet de pressions pour abandonner leurs terres afin de les laisser libres our des projets d’extraction ainsi que pour des projets agricoles et de la pêche, qui ne prêtent pas attention à la dégradation de la nature et de la culture » (LS, n. 146).
Il faudrait donc dessiner des lignes d’action dans la vie personnelle, sociale, économique et politique qui aident à faire de la terre un cadre plus viable et un cadre de coexistence fraternelle. Cela passe par un modèle d’éducation, des nouvelles générations, basé sur les valeurs et pas seulement sur les compétences. Cela passe par la proposition de nouveaux modèles de développement qui ne considèrent plus la terre seulement pour sa valeur financière, mais aussi comme un bien social et culturel pour les communautés, en prenant en compte la défense des plus pauvres.
« Quel monde voulons-nous laisser à ceux qui viennent après nous, aux enfants qui grandissent aujourd’hui ? ». C’est la question du Pape François que nous nous sommes posés. Tout en souhaitant plein succès à vos travaux, je vous assure de ma proximité dans la prière.
Que Dieu vous bénisse. Je vous remercie !
Abidjan, le 10 mars 2020
+ Paolo BORGIA
Nonce Apostolique
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MESSAGE FROM THE APOSTOLIC NOCE
Excellencies,
Reverend Fathers
Dear brothers,
I would like to say my joy to be with you today for the opening of this Workshop of reflections organized by the Regional Episcopal Conference of West Africa and which relates to the theme: “Laudato Sí: Land Rights and Community environment ”.
First of all, I would like to greet their Excellencies Monsignor Hilary OKEKE, Bishop of Nnewi and President of the Justice, Peace, and Development Commission, as well as Monsignor Joachim OUEDRAOGO, Bishop of Koudougou and President of the Migration Commission, Apostolate of the Sea and Tourism.
I also extend my greetings to all participants and speakers, in particular to Monsignor Robert Vitillo, Secretary-General of the International Catholic Commission for Migration. To each and everyone, I have the pleasure of conveying the greetings and blessings of the Holy Father Pope Francis who, moreover, has just convened the celebration of Laudato Sí Week from May 16 to 24, 2020, at the occasion of the fifth anniversary of the publication of the said Encyclical letter; anniversary which also motivates this Workshop.
Excellencies, Reverend Fathers, Gentlemen,
“What world do we want to leave for those who come after us, for the children who are growing up today? ” This is the fundamental question of the Pope Francis Video Message to call for the said Laudato Sí Week. And this inquiry should support our framework of reflections on the problem of land grabbing and its many consequences on the experience and well-being of populations. In other words, it is for us to see how to think of sustainable human development, with the underlying complexity of standards and projects, while ensuring a dynamic of integral ecology which, not only, combines land rights and the fundamental right of peoples to dispose of their land, but also which protects the environment.
It is an undeniable fact: the land has major importance in the African socio-cultural context because it contains the identity, the ancestry, and the heart, as well as a person as of a community. Being the owner of the land does not mean claiming any land title, but expressing an identity.
When you are fundamentally attached to something, you then take all measures to protect it. Precisely, a recent study by Laudato Sí in relation to land issues in Africa reveals that “most communities, lineages or families have been able to set up mechanisms which not only allow everyone to access land but also to manage it in a sustainable manner while respecting the natural environment ”(Common reflections on land issues in Africa, Introduction).
As we can see, there is a deep link of dependence between the communities and the land which is their nourishing and vital source. As we know, Africa has sixty-five percent (65%) of the world’s arable land.
Often these many hectares of arable land attract many appetites from both large companies and local elites. Then comes the question of how land acquisitions are made in our countries.
Very sadly, Pope Francis reveals that “economies of scale, especially in the agricultural sector, end up forcing small farmers to sell their land or abandon their traditional crops”. In general, we are witnessing massive displacements of uprooted populations in search of well-being.
The aforementioned study notes, in fact, that thirty-seven percent (37%) of large-scale land acquisitions in the world take place in Africa and therefore this causes a massive exodus of populations. And to specify that “most of these lands (acquired) are tropical humid savannas, which constitutes a serious threat for biodiversity and the water and soil resources of the continent”, and therefore a serious threat on the environmental framework ( Common reflections on land issues, p. 4). We know it well, “when we speak of” environment “, we mean in particular a relationship, that exists between nature and the society that inhabits it. This prevents us from conceiving of nature as separate from us or as a simple part of our life. We are included in it, we are a part of it, and we are entangled with it ”(LS, n. 139).
This concern is again taken up in a certain way by the same Pope Francis in the Apostolic Exhortation Querida Amazonia which he has just published when he quotes this description: “We are affected by local merchants, breeders, and others. We are threatened by economic actors who are implementing a model foreign to our regions. Forest companies enter the territory to exploit the forest; we take care of the forest for our children, we have meat, fish, herbal medicines, fruit trees (…). The construction of hydroelectric facilities and waterway projects have an impact on the river and on the territories (…). We are a region with stolen territories ”(QA, n. 11).
This poignant testimony, like so many others that we often hear where we are, shows us that the phenomenon of “land grabbing” as varied as it is in these forms and strategies, has serious dramatic economic and cultural consequences. and environmental impacts on the poor.
The strong affirmation of integral ecology in Laudato Sí requires that one sit down “to think and to discuss with honesty the conditions of life and survival of a society, to question the models of development, of production and consumption. It is not superfluous to insist that everything is linked. ” (LS, n. 138).
To achieve this, the Pope, in Laudato Sí, tells us that it is essential to pay special attention to communities and their cultural traditions. “They are not a mere minority among others, but they must become the main interlocutors, especially when developing large projects that affect their spaces. Indeed, the land is not for these communities an economic good, but a gift from God and the ancestors who rest there, a sacred space with which they need to interact to support their identity and their values. When they remain in their territories, it is precisely they who preserve them best. However, in various parts of the world, they are under pressure to abandon their lands in order to leave them free for extraction projects as well as for agricultural and fishing projects, which do not pay attention to the degradation of nature and culture ”(LS, n. 146)
It would, therefore, be necessary to draw lines of action in personal, social, economic and political life which help to make the earth a more viable framework and a framework of fraternal coexistence. This requires a model of education, of new generations, based on values and not only on skills. This involves proposing new development models that no longer consider land only for its financial value, but also as a social and cultural good for communities, taking into account the defense of the poorest.
“What world do we want to leave for those who come after us, for the children who are growing up today? ” This is the question of Pope Francis that we asked ourselves. While wishing your work every success, I assure you of my closeness in prayer.
God bless you. Thank you!
Abidjan, March 10, 2020
+ Paolo BORGIA
Nonce Apostolique
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